
Le titre : To Know Him, Is To Love Him
L’artiste : The Teddy Bears
Le format : 45T/17,5 cm
La date de sortie : 1958
Le genre : Bluette toxique
C’est qui ?: Le groupe de Phil Spector, quand il était gamin
Qui joue dessus ?: Annette Kleinbard, Phil Spector, Harvey Goldstein, Marshall Leib
Comment ca sonne ? : Comme un dimanche matin
Qualité du pressage :
D’époque…
London Records – Pressage Original UK.
Ce qu’on en pense :
On peut dire ce qu’on veut, mais la musique pop c’est avant tout des singles. Le 45 tours 7 pouces, arme absolue de diffusion à grande échelle, taillé sur mesure pour le porte-monnaie des adolescent(e)s du monde occidental de la deuxième moitié du XXème siècle. L’équivalent des « 45 minutes d’attention quotidienne de la ménagère de moins de 50 ans », version teenage 60’s. 3 minutes pour tout dire, sinon c’est les oubliettes. Un genre qu’a magnifié Phil Spector jusqu’au firmament, maître absolu de la ritournelle adolescente pour pickup au début des années 60, avant que les Beatles et les Stones viennent lui faire bouffer ses talonnettes.
On a tout dit sur le nabot infâme, son « mur de son » resplendissant de reverb, ses moumoutes ridicules, ses coups de feu en plein studio, sans parler de son comportement criminel terminal. Au final, tout ce bazar de « nabab de la pop » a naturellement éclipsé le fait indéniable que le petit Harvey Philip Spector savait écrire des chansons.
Quand il était petit donc – jeune on veut dire, il a toujours été petit, ce qui l’a visiblement fortement perturbé, à tort – Phil Spector avait monté un groupe vocal, comme on disait à l’époque (ou un groupe de doo-wop, si vous voulez) : The Teddy Bears. Qui publia en 1958 ce single : 2 minutes 22 secondes d’apesanteur, écrit par Spector. Des ours en peluches mignons tout plein, entonnant une mélodie lumineuse et un pont à frémir. Sauf que sous le vernis, la toxicité du Winston Churchill de la pop était déjà là : la ligne du refrain qui donne son titre au morceau, « To know him, is to love him » est en fait l’épitaphe gravée sur la tombe de son père, suicidé sans laisser de lettre, alors que Philou était tout minot….De quoi engendrer un trauma biblique.
C’est ce qui pourrait faire de Spector une sorte de dilemme pop équivalent à celui de Céline en littérature (pour les Français en tout cas, qui sont du genre à avoir ce genre d’angoisses existentielles vis a vis de leur patrimoine culturel). Comment est-ce possible de produire « Da Doo Ron Ron », « Spanish Harlem » ou « Be My Baby » en étant un parfait salaud ? On parle quand même d’un type capable de séquestrer sa femme (Ronnie Spector), de lui « offrir » des enfants pour noël, de pointer un flingue sous le nez de Leonard Cohen, et puis plus tard d’assassiner Lara Clarkson dans son manoir, tout en expliquant à la presse que, de toute façon, c’était une connasse et que si on voulait bien arrêter de l’emmerder avec ça, etc….
En fait, même si cela laisse une tache désagréable, cela révèle que cette musique est, dans le sens premier du terme, un produit. Qui se consomme en tant que tel, en dehors de toute contingence. Et qui dans le cas d’un single pop, comme par exemple « He’s a Rebel », pris au hasard parmi d’autres merveilles, emmène tout sur son passage. Qu’on le veuille ou non, l’éclat l’emporte sur le reste, aussi infâme soit-il.
Si ça se trouve, Mikhaïl Kalachnikov était un mec super sympa.