STRANGE FRUIT

Le titre : You Better Run – The Essential

L’artiste : Junior Kimbrough

Le format : 33T/2×30 cm.

La date de sortie : 2002

Le genre : Blues du Delta, certifié conforme

C’est qui ?: Le Mississippi à lui tout seul

Qui joue dessus ? : Junior Kimbrough, Gary Brunside (le fils de R.L. Burnside), Kenny Malone, Charlie Feathers (le vrai ! celui des studios Sun), Kenny Brown, Dale Beavers

Comment ca sonne ? : Comme un soir d’été dans un juke-joint

Si c’est une réédition ou un vieux machin, est-ce que ça a bien vieilli ?

Réédition de 2015. Parfait.

Ce qu’on en pense:

Sans déconner, Robert Palmer et les mecs du label Fat Possum on devrait leur donner une médaille. Puisque ça n’arrivera jamais dans leur pays (les Etats-Unis d’Amérique), le ministre de la culture (Roselyne ?) ferait bien de leur remettre la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres (trop tard pour Palmer). On la donne bien à n’importe qui et dans leur cas cela serait amplement mérité (en plus de foutre la honte aux américains). Ne serait-ce que pour le service rendu au patrimoine mondial de l’humanité.

Sans eux, pas de disques de R.L. Burnside, pas de disques de T-Model Ford, pas de disques de Cedell Davis, pas de cathédrale du blues rural fin XXème siècle. Sans parler du travail de rééditions de bluesmen comme Johnny Shines, Fred McDowell, ou même d’artistes « hors-champ » du blues comme Blaze Foley ou Townes Van Zandt. Et en plus, ils éditent aussi des artistes contemporains, comme Heavy Trash, Jay Retard ou les Black Keys. La classe, la vraie, celle qui ne rapporte rien.

C’est pas pour sortir les grands mots, mais quand même, leur travail a quelque chose de proche de celui d’Alan Lomax lorsqu’il enregistrait les bluesmen originels du Delta dans les années 30 pour la bibliothèque du Congrès.

Sans eux donc, pas de disques de Junior Kimbrough. Ce musicien fait partie des gars inconnus qui ont fait un enregistrement ou deux dans les années 60 (période où les p’tits blancs américains se sont vaguement aperçus que le blues, en fait, c’était un trésor national ; cela leur a passé depuis.) Et puis après … rien. Donc les musiciens comme Kimbrough ont continué à travailler (mais pas des boulots genre cadre chez General Motors, hein, des boulots pour Noirs du Mississippi dans les années 60/70), tout en jouant leur musique le soir. Comme Junior Kimbrough, qui tenait un juke-joint à l’ancienne où il se produisait, et dont le premier album n’est sorti qu’en 1992 chez Fat Possum, le musicien étant alors âgé de 62 ans. 

Historiquement, le blues est né dans le delta du Mississippi. Puis les suivants directs de Robert Johnson et Charley Patton (Muddy Waters par exemple) sont partis vers le Nord (où il est vrai ça caille dur, mais où on trouvait beaucoup moins de Noirs pendus aux arbres). Ce faisant, ils ont électrifié leur musique pour aboutir à ce qu’on appelle le « Chicago Blues », un truc chiant à mourir, avec de la basse, plein de batterie et plein de solos de guitare de deux heures. Certains blancs ont d’ailleurs cru qu’on leur parlait directement et se sont sentis obligés de faire pareil toute leur carrière (Eric Clapton par exemple). 

Mais il  existe une autre histoire, celle des types restés sur place et qui ont conservé l’aspect rustique et vernaculaire du blues. Kimbrough est leur descendant direct. Pas de solos interminables, pas d’esbroufe, juste la pulsation originelle et un son bastringue. Le son du mec qui joue en picolant pour ses copains, le soir après le boulot. Dans n’importe quel autre pays cela serait du folklore. Cela en est d’ailleurs, sauf qu’au Mississippi, la musique produite par ces musiciens parle à tout le monde, au point d’avoir engendré le plus grand phénomène culturel de la seconde moitié du XXème siècle. Tout en restant un truc vernaculaire et absolument pas savant. Comme si les noirs américains avaient établi le chant du monde, basé uniquement sur un ressenti, ce qu’illustre la déclaration sans appel d’un autre Bluesman du même tonneau, T-Model Ford : « Can’t read, can’t write, can’t spell nothing, …but i can play this guitar, when i have to. »

PS : visible sur le site du label (ou sur Youtube) le film « You see me laughin’ : the last of the hill country bluesmen », un documentaire sur les bluesmen publiés par Fat Possum, où vous pourrez voir une fabuleuse brochette de pépés édentés aux yeux bleuis par la cataracte, la santé ravagée par un manque de soins auxquels ils n’ont jamais eu accès, crever la dalle guitare à la main mais jouant leur musique crânement. Cette même musique qui à enrichi Led Zeppelin, les Stones, Jack White et les autres.

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