HONORER LES ANCIENS

Le titre : Celebrate Your Mother

L’artiste : The Eighties Matchbox B-Line Disaster

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 2002

Le genre : Ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois

C’est qui ?: Un groupe de sauvages

Qui joue dessus ?: Guy McKnight, Andy Huxley, Marc Norris, Symren Gharial, Tom Diamantopoulo

Comment ca sonne ? : Furieusement obscène

Qualité du pressage :

Bonne.

No Death Records – Pressage original de 2002 – Pressage EU

Ce qu’on en pense :

Au début des années 2000, il s’est passé un truc que la presse a qualifié de « retour du rock ». En fait il s’agissait de gamins ayant formé des groupes du genre « rock », de la manière la plus simple qui soit, avec l’envie d’en finir avec les cochonneries des années 90 comme la techno, le trip-hop, Björk ou Radiohead. Envie d’en finir, peut être pas, mais envie de jouer de la guitare électrique, oui.

En vrac, avec plein d’exagérations :

The White Stripes : je refais Led Zeppelin et je rajoute …euh, voyons voir, …le blues du Delta et l’esthétique du Constructivisme Russe, ça craint pas ?

The Libertines : je refais les Clash et je rajoute…euh…rien, mais par contre je promets d’être ultra défoncé et de me conduire comme un voyou comme à l’époque, ça ira ?

The Strokes : je refais Television, The Modern Lovers et les Smiths et je rajoute…euh…des Converse ? Non parce que mon père y connaît le patron de Converse et qu’on pourrait les avoir gratos et comme ça on passerait pas pour les gros bourges qu’on est.

The Black Keys : je refais les bluesmen du catalogue Fat Possum et je rajoute…un son roots un peu pourrave, sinon ça va se voir qu’on est blancs, c’est bon ? Pas sur que ça marche mais bon…

The Kills : je refais Suicide en rajoutant…euh…un jeu de guitare d’enfer et je remplace Alan Vega par une fille, ça devrait aller.

Que des groupes en « The ». Que des groupes qui « refaisaient », mais on en avait tellement marre de Gorillaz qu’on était quand même un peu content. De plus les disques étaient bons, et de toute façon la redite étant une constante de ce genre musical, on s’en foutait, pourvu que Thom Yorke foute la paix.

Digression :

Ça c’est la version couramment admise. Mais il y a pourtant un groupe qui, dans les années 90, à perpétré la forme de rock’n’roll qu’on aime, celle qui a un goût et une saveur : The Jon Spencer Blues Explosion. Comme on le dit dans les westerns, Jon Spencer « a gardé le fort », pendant que Radiohead réintroduisait une dimension « intellectuelle » dans une musique pourtant faite pour les débiles. Personne ne lui en tiendra jamais crédit, et aucun des groupes cités plus haut n’en fera mention lorsqu’ils seront sur le devant de la scène. Pas un n’arrive à la cheville du groupe new-yorkais, tout sucrés qu’ils sont, mais bon, c’est comme ça, il y en à qui trouvent que le Babybel c’est aussi bon que le Saint-Nectaire. On ne sait pas quoi leur dire…

Mais parmi ces groupes, un peu gentillets sur les bords, pas un pour « refaire » les Stooges, Sonic’s Rendez Vous Band ou le MC5. La trouille ? Peut être. Sauf un, The Eighties Matchbox B-Line Disaster, un groupe de Brighton. Des vrais sauvages, façon Attila, et qui débute sa carrière en sortant ce single en 2002, après lequel l’herbe eu effectivement un peu de mal à repousser. Un vrai groupe de l’outrance, comme Iggy Pop, comme Alan Vega. Avec l’agression sonore comme premier argument et l’énormité du propos en second.

Au vu du titre du morceau, on sent venir le truc chelou, et à l’écoute, on ne rêve pas, c’est bien l’histoire d’un type qui décrit une famille incestueuse et qui veut s’immiscer dans leurs histoires de fesses illicites. Le genre de propos qui ne passent nulle part ailleurs, sauf quand il s’agit de rock’n’roll, où provoquer la colère de dieu est un sport en soi. Comme si l’impact électrisant de la musique permettait finalement de regarder au fond de l’abîme, pour de rire, désamorçant l’ensemble sachant que tout cela n’est pas sérieux. La distanciation par le volume sonore, son impact et sa grossièreté. Ce qui permet au chanteur d’hurler « I want to fuck your mother / It’s a dirty job, but someone’s got to do it well / But please don’t tell your father / ‘Cause I’ll fuck him as well » avant de tout exploser dans vos enceintes sur la fin du morceau, toutes guitares en avant. L’enfer de Dante, 45 fois par minutes.

Imaginez les mêmes propos couiné en sourdine par un Jeff Buckley grattant un p’tit arpège sur sa Telecaster pour la forme. Tout le monde se foutrait de sa gueule. Et encore, même pas sûr, rapport au Babybel cité précédemment. Alors qu’au milieu du tonnerre électrique, expression transgressive en soi, puisque tentative consentie par l’audience d’avoir le cerveau consumé par les décibels, ça marche.

Pourvu qu’on sache s’en servir, la guitare électrique et le volume sonore permettent tout. Et de toute façon, au milieu du fracas électrique terminal provoqué par six cordes en fusion, qui écoute le texte? Le retour du rock en 2000, c’était eux, ne serait-ce que pour ce titre. Un single  foudroyant, que vous pouvez ranger tranquille à coté de « Search & Destroy », « City Slang » ou « Pretty Vacant » sans faire tâche.

GROSSE BITURE

Le titre : Lawless (Original Motion Picture Soundtrack)

L’artiste : Nick Cave & Warren Ellis

Le format : 33T/30 cm.

La date de sortie : 2012

Le genre : 70°, sans sucres ajoutés

C’est qui ?: Nick Cave et le remplaçant de Blixa Bargeld

Qui joue dessus ?: Nick Cave, Warren Ellis, Mark Lanegan, Emmylou Harris, Willie Nelson, Ralph Stanley.

Comment ca sonne ? : Frelaté

Qualité du pressage :

Bof. Pressage avec des défauts. Mais il y a un livret avec des super photos.

Music On Vinyl / Sony – Pressage original de 2012 – Pressage EU

Ce qu’on en pense :

Les musiques de films, on se demande encore à quoi ça sert.

Autrefois, cela permettait à l’industrie musicale de vous fourguer un truc en plus, comme si elle n’en avait pas assez. A l’époque c’était une véritable industrie, pas un espèce de machin qui essaie de raccrocher les wagons depuis que la musique est dématérialisée, se demandant encore comment tout cela a bien pu lui arriver. Bien fait pour sa gueule. Merci Steve Jobs. Ou pas. Enfin bon, c’est plié de toute façon.

Et vas-y que je te publie les B.O. toutes pourries des nanars d’Elvis, ou le disque des Bee Gees avec Travolta en habit de lumière, dansant jusqu’au bout de l’ennui pour « rester vivant, rester vivant, a-ya-ya-ya, rester vivant » (désolé…), ou Simon & Garfunkel bavant sur Mme Robinson, qui n’avait pas besoin que deux minets lui fasse la morale (« And here’s to you Mrs Robinson / Jesus loves you more than you will know », sans dec pour qui y se prend Paul Simon ?). Exception : les Beatles avec « A Hard Day’s Night » et « Help ! », mais bon, là, c’était plutôt l’inverse, c’était le film le produit dérivé. Et puis les Beatles, c’est les Beatles, le premier qui l’ouvre, …crouiiiiicc…perte du signal…Cognacq-Jay ?….à vous les studios.

Et encore, on parle là de B.O. constituées de chansons. Pas de disques composés d’instrumentaux qui, amputés des images, n’ont pas vraiment d’intérêt. Dans ce genre, même les meilleures – « Le Parrain » (That was you Fredo ! You broke my heart – YOU BROKE MY HEART ! –  Ouais en fait, c’est dans le Parrain II mais on peut pas s’empêcher), « Il était une fois dans l’Ouest » (Ouain Ouain Ouain Ouain Ouain Ouain Ouain Ouain Ouaiiiiiin) ou « Der Himmel Über Berlin » (Désolé encore, mais le titre français on le trouve trop naze) – supportent peu l’écoute en tant que telles, tranquillou dans son salon. On s’ennuie avant la fin de la première face et on à juste envie de remettre le film. (On aime bien Ry Cooder, mais ses parties de guitare slide on les apprécie encore mieux dans « Paris, Texas »).

Sauf pour cette BO, d’un film plutôt bien mais pas top non plus, réalisé par le copain de Nick Cave, John Hillcoat, qu’on peut écouter comme un album. Sans se faire chier, ce qui en fait une sorte d’exception. Avec peut être aussi la BO du film des frères Cohen, « O’Brother » excellente également. Bon…du coup, ce n’est plus une exception. On est bien embêté…C’est pas grave, on s’en fout, on n’est pas à une connerie près.

Engagé pour écrire le scénario (en fait l’adaptation d’un roman de Matt Bondurant sur les « Hillbillies Moonshiners » – traduction : des pèquenauds de mauvaise humeur avec un alambic et des flingues), Nick Cave a proposé de prendre également en charge la musique du film. Deux prestations pour le prix d’une. (Ou pas, on n’est pas dans le secret des relations commerciales de la grande saucisse desséchée).

Résultat : une des meilleures bande son jamais enregistrée. Composée en partie de reprises (de haute tenue, c’est rien de le dire) et de compositions de Nick Cave et Warren Ellis interprétées par Emmylou Harris. Allant même jusqu’à convoquer Ralph Stanley, une légende sans âge  du Bluegrass, le genre de gars né un banjo à la main pendant la grande dépression, ou Willie Nelson, punaise, un type qui incarne la country-music à lui tout seul (version outlaw, comme on dit, ce qui veut dire : « j’emmerde les puristes de Nashville »).

Non seulement les compositions de Cave et Ellis sont excellentes (et ne figurent pas sur le récent coffret de face-B, ce qui justifie en soi l’écoute du disque), mais le choix du répertoire des reprises laisse rêveur : Link Wray, John-Lee Hooker, The Velvet Underground, Captain Beefheart, Grandaddy. Pour l’exécution, Cave et Ellis ont monté un faux groupe (The Bootleggers), réussissant même à enrôler Mark Lanegan pour assurer le chant. Et comme il s’agit du Nick Cave d’avant le traumatisme, c’est le gros défouraillage. Notamment sur la reprise de John-Lee Hooker, « Burning Hell », un truc pas possible, où Cave se réserve l’interprétation. A la hauteur de ce qu’il sait faire, n’étant pas donné à tout le monde de reprendre John-Lee Hooker sans passer pour un clown.

Des versions mortelles de « Fire and Brimstone » de Link Wray ou du « White Light / White Heat » du Velvet….le pépé du banjo, 85 balais au compteur, qui reprend Link Wray, Captain Beefheart et Lou Reed (?!?)….Emmylou Harris interprétant un morceau de Grandaddy (à tomber par terre de classitude…). Le tout arrangé de la mort par Warren Ellis pour un résultant stupéfiant. En fait ce n’est pas une BO, c’est un album de reprises, une réinterprétation sauvage de la brutalité inhérente de l’âme américaine. Ce qui en fait un disque unique.

BAL TRAGIQUE

Le titre : Dance Me To The End Of Love

L’artiste : Leonard Cohen

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1984

Le genre : Rêve de pierre

C’est qui ?: Le Yoda de Nick Cave

Qui joue dessus ?: Leonard Cohen, Jennifer Warnes, John Crowder, Richard Crooks, Sid McGuinnes, Kenneth Hosek, John Lissauer

Comment ca sonne ? : Désuet

Qualité du pressage :

Bonne.

CBS – Pressage original de 1984 – Pressage HOL

Ce qu’on en pense :

Des Leonard Cohen il y en a deux. Non, en fait pas vraiment, il y en a plutôt trois.

Le premier étant l’écrivain, genre poète, membre des cercles littéraires et intellectuels du Montréal du début des années 60, voulant devenir écrivain, ce qui n’arrivera jamais.

Le deuxième étant le chanteur de « Suzanne », propulsé au rayon pop music à la fin des années 60. Plus vieux que la plupart de ses collègues, il ne comprendra jamais vraiment ce qu’il foutait là. Lui son truc, c’était la poésie, même si pour se faire entendre il avait capté qu’il fallait apprendre la guitare.

Le troisième, c’est le mec à la voix grave, fils de tailleur, en costard super classe, homme de peu de mots et du genre mystique, apparu dans les années 80.

Digression :

Au sujet de cette histoire de costume et de prestance venue d’ailleurs, aussi impressionnante qu’incongrue au rayon pop music, et qu’avait pourtant intégré le chanteur, Cohen aura une réponse splendide et pleine d’humour quand il confiera a Sylvie Simmons, sa biographe: « Ma chère, je suis né en costume ». En rêve, on imagine être à sa place, échangeant avec le chanteur autour d’une tasse de thé et l’entendre nous lâcher « Dear, i was born in a suit » de sa voix grave à la diction parfaite. Oualalalalalala…On en connaît qui tomberaient dans les pommes direct.

Tout ça pour dire qu’en 1984, suite à 5 ans de silence, Leonard Cohen publia l’album « Various Positions », à la facture différente de ses enregistrements précédents. Le disque où la nicotine vient réclamer son tribut et où la voix  du barde sémite commence à glisser vers une sorte de grondement terrible qui ne fera que s’amplifier jusqu’à la fin de sa vie.

Deux chansons seront tirés en single de cet album: « Hallelujah » et « Dance Me To End Of Love ». La première énervant tout le monde depuis que Jeff Buckley l’a couinée en marcel et que n’importe quel débile de la « StarAcademyDanseAvecLesStarsTopChefTheVoiceIntervilles » la reprend pour faire genre, on s’intéressera plutôt à l’autre, « Dance Me To The End Of Love ».

Et là, attention. Il y a de quoi être surpris, et ce dès les deux premières mesures : un truc électronique à deux balles, genre jouet pour enfant calé sur le réglage « Mazurka », immédiatement suivi d’un chœur féminin troublant entonnant une mélodie slave et  invoquant l’histoire européenne. Le Bontempi du ghetto de Varsovie, annonçant direct que malgré l’enrobage trivial, il ne s’agit pas d’une ritournelle d’amour adolescente, ce qu’on comprend tout de suite à l’écoute du premier vers « Dance me to your beauty with a burning violon ». Le tout sur une mélodie dont la douceur contraste avec la pesanteur du propos. Et tout le reste du chant est sur le même ton, « gentle » comme dirait les anglais, mais comme une réponse aux brutes par la noblesse des mots.

Extraits des paroles, dans le désordre :

Dance me through the panic ‘till i’m gathered safely in

Dance me to the children who are asking to be born

Show me what i only know the limits of

Touch me me with your naked hand, touch me wih your glove

Let me feel you moving like they do in Babylon

Etc, etc, on pourrait citer l’intégralité du texte. Des mots simples et précis, un peu comme un joueur d’échecs qui avancerait ses pièces. N’opposez aucune résistance, laissez venir le mat. Et si vous n’êtes pas fracassé par la beauté du texte, vous pourrez même danser, il y a un petit instrumental exprès pour au milieu de la chanson.

Cohen a écrit la chanson de ceux qui dansent sous les bombes, ou qui sortent leur violon dans les wagons à bestiaux en route pour la Pologne et les fours. Danse moi jusqu’à la fin de l’amour – la plus terrible des sentences.

SUPPLIQUE

Le titre : Jolene

L’artiste : Dolly Parton

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1973

Le genre : Country-Music

Qui joue dessus ?: Dolly Parton et un groupe (pas de crédits sur le disque)

Comment ca sonne ? : Limpide

Qualité du pressage :

Bonne.

RCA – Réédition de 1976 – Pressage UK

Ce qu’on en pense :

Lors de la tournée suivant la sortie de l’album « White Blood Cells » des White Stripes, Jack White avait l’habitude d’intégrer dans la setlist un bon paquet de reprises : Dylan, Son House et…Dolly Parton. Même si aujourd’hui il a un peu de mal avec sa production personnelle, il est une chose que personne ne pourra jamais lui enlever : celle de transpirer par tous les pores la musique de son pays, sans œillères ni entraves. Et d’en faire la promotion. C’est ainsi que des gamins venus du public dit « rock indé » ont pu entendre sur scène leur reprise tonitruante de « Jolene », un morceau de Dolly Parton. Carrément. De la country en plein déluge électrique.

Pour beaucoup, et particulièrement en France, la country music est un gros mot. Sans même réfléchir deux secondes, ni savoir de quoi on parle, on va vous sortir :  musique de bouseux, rednecks, consanguinité dans les Rocheuses, la NRA et Donald Trump en prime. Ce qui n’empêchera pas les même de trouver les enregistrements de Johnny Cash pour le label American Recording vachement super.

Alors qu’en fait, c’est la même chose. Et pour Dolly Parton on vous dira pire : une pouffiasse a gros nichons qui couine dans le micro. Et pourtant, s’ils voulaient se donner la peine, ou arrêter deux secondes de prendre au sérieux la construction de leur gout personnel, qu’ils trouvent, on en est sur, parfaitement exquis, au point de les faire briller en société, ils comprendraient. Les pauvres, ils ne savent pas ce qu’ils loupent. Cela ne les empêchera pourtant pas d’avoir un avis sur la médiocrité de la musique la plus vendue aux US. Pour les démasquer, c’est pas dur. Evoquez Bobbie Gentry, Steve Earle ou Tony Joe White. Si dans leurs yeux se dessine un vide abyssal, c’est gagné. Vous allez pouvoir leur expliquer.

Car en effet, en terme de musique populaire à grande diffusion (la country est le genre le plus vendu aux US, devant le rap), la country music est le dernier endroit où on sait encore écrire des chansons. Et cela a toujours été ainsi. Par contre, comme c’est une musique calibrée pour le commerce, verrouillée par les intégristes de Nashville, il faut un peu faire le tri. Et savoir ne pas s’arrêter aux apparences.

 Question apparence, Dolly Parton a toujours su ce qu’elle faisait, endossant le rôle de la « blondasse pour rednecks ». Dans le même temps, elle a quand même composé 3000 morceaux et sorti 65 albums. Si c’était juste un histoire de tour de poitrine, on n’est pas sur qu’il n’eut pas fallu qu’elle se fasse pousser au moins deux autres glandes mammaires pour arriver à un tel résultat.

Et donc en 1973, Dolly Parton a publié ce single. De la country pur jus. Produite comme les américains savent faire : chant impeccable, arrangements de l’enfer, avec notamment deux guitares en arpège qui emportent tout. Ce serait sans compter sur la mélodie, éblouissante, et surtout sur un texte qui semble rebondir sur l’accompagnement et dont la profonde simplicité évoque ceux de Chuck Berry ou Morrissey (on en voit d’ici pousser des cris d’orfraie, parler de sacrilège et déchirer leur carte du Parti Communiste – qu’ils aillent se faire foutre).

Ici, rien à voir avec l’évocation de l’Ouest mythologique, de la grande dépression ou de l’addiction virile à l’alcool de grains. Une chanson sur la méchanceté, une supplique terrible où une fille en supplie une autre, dont elle reconnaît la beauté carnassière (« With flaming locks of auburn hair / With ivory skin and eyes of emerald green / Your smile is like a breath of spring »), de ne pas lui piquer son mec, le seul qu’elle aura jamais. (« He’s the only one for me, Jolene »). Parce qu’elle, Jolene,  le peut, cette salope.(« I’m beggin’ of you, please don’t take my man/ Jolene, Jolene /  Please don’t take him just because you can »).

Comme si cela n’était déjà pas suffisant, ce 45T possède un caractéristique cachée surprenante: on peut l’écouter en 33T. Si, si, sans rire. La voix de Parton étant assez haute et le rythme suffisamment enlevé, le passage à la vitesse inférieure ne pose pas de problème et on obtient un morceau au groove étrange et carrément cool.

Evidemment, ce n’est possible que si vous avez le 45T et que vous le jouez en 33T, pas la peine d’essayer de trouver ça sur Spotify.

Bon, comme on est sympa, on a trouvé un lien Youtube (pas terrible) pour que vous voyez ce que ça donne en attendant d’aller acheter une platine vinyle :

MATRICE

Le titre : Louie Louie

L’artiste : The Kingsmen

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1963

Le genre : Accident historique

Qui joue dessus ?: Mike Mitchell, Dick Peterson, Steve Peterson, Todd McPherson, Dennis Mitchell

Comment ca sonne ? : Hasardeux

Qualité du pressage :

Bonne.

Disques Vogue – Pressage original FR

Ce qu’on en pense :

Certains morceaux ont une histoire pas possible, improbable, quasiment biblique, et dont la genèse n’est pas très éloignée de la chanson de geste.

Difficile de faire plus prétentieux comme introduction. Et pourtant certains s’autorisent à penser que le rock’n’roll est, avec l’art moderne, le phénomène culturel le plus important du XXème siècle, excuse suffisante pour raconter des conneries et se faire plaisir. Ce genre d’attitude relève en général d’une perte de sens commun issue d’un traumatisme adolescent se traduisant par une forme d’émerveillement dont on ne peut se défaire. C’est pourquoi on leur pardonne, car au fond, l’émerveillement est un sentiment positif et on plaint un peu ceux qui n’en sont jamais les victimes.

A l’origine, « Louie Louie » est un morceau de Richard Berry, un chanteur de rythm’n’blues, un peu tâcheron sur les bords. Qui avait lui même piqué le riff à un groupe appelé « Ricky Riviera & The Rythm Rockers », celui de leur morceau « El Loco Cha-Cha ». Morceau qu’ils n’avaient même pas écrit eux même, la composition en étant attribuée à un certain René Touzet. (Un français ? Punaise, si on pouvait en être sur, on en ferait une gloire nationale). Comme dit Dylan : « Une chanson, c’en est une que tu tiens de quelqu’un d’autre ».

Et un beau jour, un groupe de seconde zone, The Kingsmen, baluchant à Portland depuis la fin des années 50, décida d’ajouter « Louie Louie » à son répertoire. Cela fonctionna tellement bien qu’ils furent capable d’étirer leur version pendant trois-quarts d’heure sur scène tellement le public aimait ça. De toute façon, ils ne savaient pas quoi faire d’autre.

Jusqu’à ce qu’un propriétaire de club les ayant engagé pour un soir, surement impressionné par la quantité de bière qu’il avait pu vendre à la jeunesse pendant le concert, les pousse à enregistrer le titre en studio. Et là, badaboum…, deuxième meilleure vente de singles aux US en 1963, même si le disque fut qualifié à sa sortie par un célèbre DJ de l’époque de « plus mauvais disque de l’histoire du rock’n’roll » (en ces temps là, les DJ de la radio étaient tout puissant et pouvaient faire  la pluie et le beau le temps concernant les ventes, même si le niveau de leur mauvaise foi s’ajustait sur la somme que leur versait les maisons de disques).

Mouahahaha! Plus mauvais disque de l’histoire? Pour dire une connerie comme ça, il n’avait pas du toucher un rond le petit gars. Un disque qu’on peut considérer comme l’acte de naissance du rock garage, le disque qui débute par LE riff : Da da da da daaaaa Da da da Da daaaaa (traduction : Do-Do-Do-Fa-Fa / Sol-Sol-Sol / Fa-Fa). Un riff qu’absolument tous les groupes reprendrons, plus ou moins déformé. Le riff de « Debaser », le riff de « The Passenger », le riff de « Strychnine », le riff de « Smells like teen spirit ». Le même, sous une forme ou une autre.

De plus, le chanteur n’ayant apparemment pas tout a fait saisi les paroles du titre de Richard Berry, sort pendant l’enregistrement un bon gros yaourt inaudible. On ne comprends a peu près rien de ce qu’il dit, sauf apparemment les ligues de vertus de l’époque, auxquelles, même dix ans après Presley, le rock’n’roll foutait toujours des boutons, et qui crurent entendre dans un certain passage une histoire de quequette. (« I felt my boner in her hair »). Et dès qu’on parle de quequette, Edgar J. Hoover, qui en connaissait un rayon, sort de son bureau, convoque ses minions et leur demande d’enquêter. C’est ainsi que le FBI produira un rapport de plus de cent pages sur la chanson…Il n’en fallait pas plus au gamins du lycée pour trouver le morceau encore meilleur.

Reste l’enregistrement des Kingsmen, tout a l’arrache : groupe pas en place, chant approximatif, faux départ en plein milieu du morceau, batterie limite, solo de guitare erratique, texte inaudible. Un truc enfantin, insultant le bon goût, tout comme on aime.

Pour l’auditeur: mouvement de tête de neuneu, battement de pieds de troglodyte. L’épiphanie débile du binaire.

BREXIN

Le titre : Waterloo Sunset

L’artiste : The Kinks

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1967

Le genre : God save the Queen

Qui joue dessus ?: Ray Davies, Dave Davies, Pete Quail, Mick Avery

Comment ca sonne ? : Lumineux

Qualité du pressage :

Bonne.

Pye Records – Pressage original FR

Ce qu’on en pense :

Au nom du père, du fils, et du saint esprit.

Ou bien :

Au nom des Beatles, des Rolling Stones, et des Kinks, la trinité des ignorants qui s’en foutent du bon dieu.

Autant les deux premiers ne posent habituellement pas question, mais pour les Kinks ce n’est pas pareil. Les Kinks, c’est un truc bizarre. Une fratrie composée de Ray Davies et Dave Davies, qui n’aura  de cesse de s’engueuler pour le plus grand malheur du groupe. Un peu comme les frères Gallagher, mais  bon…euh… à part la nationalité, on ne voit pas le rapport.

Dave Davies, c’était le coté « rock’n’roll », la guitare saturée, les riffs, les conneries dans les chambres d’hôtel, « You Really Got Me », etc…qui n’a duré que le temps des débuts du groupe.

Ray Davies c’était… la classe intergalactique. Pas rock’n’roll du tout, mais, à l’aise, un des plus grands compositeurs anglais de l’époque. Du genre à prendre Paulo et Lennon en combat singulier.

Et contrairement à ses contemporains, Ray Davies semblait n’être sur terre que pour célébrer son « anglicité », avec ses moyens, en bien ou en mal. Malheureusement pour lui, il ratera le train de la « british invasion » en trouvant le moyen de s’engueuler avec le syndicat des artistes américains, privant son groupe de tournées US pendant les années 60, alors que dans le même temps des groupes d’une moindre importance que le sien ravageront le territoire américain. De quoi renforcer son « anglicitude » ? On ne sait pas.

Ce dont on est certain par contre, c’est que ni les Beatles, ni les Rolling Stones n’auraient pu écrire un morceau comme « Waterloo Sunset ».

Sorti en mai 1967, un mois avant « Sgt Pepper », alors que tout le monde ne parle que de changer le monde, d’arrêter la guerre au Vietnam et de se défoncer au LSD, Ray Davies écrit une chanson sur la gare Londonienne de Waterloo, les lumières des taxis et comment tout ça c’est trop beau vu de sa fenêtre, au coucher du soleil.

Comme quoi, dans la pop music, les paroles on s’en fout un peu, pourvu que la chanson soit là. Et en l’occurrence, pour ce morceau, tout est merveilleux. Les arrangements, le son légèrement suranné, le chant idem, et la mélodie perdue dans la stratosphère.

Peu de chansons font cet effet. Écoutez la, et pendant trois minutes, devenez un soir d’été.

ARME DE DESTRUCTION MASSIVE

Le titre : All Day And All Of The Night

L’artiste : The Kinks

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1964

Le genre : Paradis Garage

Qui joue dessus ?: Ray Davies, Dave Davies, Pete Quail, Mick Avery

Comment ca sonne ? : Tout crade

Qualité du pressage :

Bonne.

Disques Vogue – Pressage original FR

Ce qu’on en pense :

31 Octobre 2022 – Bar « Le Truskel » – PARIS / 2ème arrondissement – 23h34

Céline: Ouais, on se fait chier quand même, faudrait on truc du genre le retour du Punk, genre les New York Dolls. Des fringues pas possibles. Chuck Berry joué par des petits blancs défoncés. Ça avait de la gueule.

François : N’importe quoi ! T’y connais vraiment que dalle. Le Punk c’est les Stooges et si on veut pinailler, on peut remonter jusqu’au Velvet Underground.

Céline : Sans dec, t’y connaît zobi. Et « Helter Skelter »? Et les Sonics ?

François : Qui ça?

Céline : C’est bien ce qu’il m’semblait, t’es vraiment un baltringue, retourne écrire des conneries sur ton blog tout naze.

En fait, ni l’un ni l’autre n’a raison. Quand on regarde bien, on se rend compte que la matrice du Punk, c’est les Kinks. Ce que pas grand monde ne semble vouloir reconnaitre, peut-être par paresse ou simplement par mauvaise foi.

Par paresse, parce que les Kinks n’ont sortis que deux singles concernant le sujet (« You Really Got Me » et « All Day And All Of The Night »). Deux titres publiés à quelques mois d’intervalle en 1964. A l’époque les groupes pouvaient sortir un chef d’œuvre par mois, les maisons de disques étant persuadées que cette connerie de pop music n’allait pas durer. 

Par mauvaise foi, parce que les Kinks n’étaient pas un groupe « rock’n’roll ». Pas de matos fracassé comme les Who, pas d’histoire de défonce comme les Stones. Juste les morceaux, avec en plus la célébration de l’albion éternelle, un truc pas du tout moderne, à une époque où la modernité de la pop music signifiait tout.

Sauf que, le 5 mai 1964 (avant « Satisfaction » des Rolling Stones, avant « Strychnine » des Sonics, avant « Sister Ray » du Velvet Underground, avant « Helter Skelter » des Beatles), les Kinks décoffrent un single de l’enfer : « All Day And All Of The Night ».

Le groupe avait déjà sorti « You Really Got Me », avec le riff qui tue, le son crade, les chœurs qui braillent et la bienséance mise au placard. Un monument d’inconvenance en soi. Quelques mois plus tard, le groupe de Ray Davies enfoncera le clou dans la tête des petits anglais avec « All The Day All Of The Night ».

Une sorte  de « You Really Got Me », en plus grand. Son encore plus crade (la légende dit que Dave Davies à tailladé son ampli avec un tournevis, mais on dit aussi cela de Link Wray, alors…). Ligne mélodique plus forte. Refrain braillé à l’unisson, jusqu’a la saturation. Solo de guitare à l’arrache. Histoire en marche.

Même 58 ans plus tard, il est difficile de ne pas rester interdit à l’écoute du riff et de succomber à l’aisance mélodique de la chanson. On n’évoquera même pas le sujet de la chanson qui, lorsqu’il est exprimé avec autant de force, se passe de commentaire.

Même si, quand même, on ne peut s’empêcher de souligner que parfois, peut être à  cause de certaines fréquences, ou simplement par magie, certains passages ont une résonance particulière, voire traumatisante, comme la ligne ou Ray Davies chante « Girl, i want to be with you » juste avant le refrain. Les frissons partout…..

PS :

Pas besoin de dire que ce disque s’écoute dans sa version Mono, même si la pochette est pourrie.

SLAINTE!

Le titre : Come On Eileen

L’artiste : Dexy’s Midnight Runner & The Emerald Express

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1982

Le genre : Baloche 4 étoiles

Qui joue dessus ?: Kevin Rowland, Seb Shelton, Giorgio Kilkenny, Billy Adams, Micky Billingham, Big Jimmy Patterson, Paul Speare, Brian Maurice

Comment ca sonne ? : Bastringue policé

Qualité du pressage :

Bonne.

Mercury – Pressage original FR

Ce qu’on en pense :

Edinburgh – 13 Avril 1982 – Pub « The Dead Well »

Jimmy : Allez les gars, on en bois une dernière.

Les gars : Aaaaaye !

Jimmy : Bon, comme vous êtes trop bourrés, j’y vais. 4 pintes de Tennent?

Simon : Aaaaaaye ! Douuuuuze plutôt.

Jimmy : Arrête Simon, t’es lourd.

Jimmy, revenant avec 2 litres de bières dans les bras: P’tain c’était chaud, c’est pété de monde au bar et à mon avis la cloche c’est pour bientôt. Me saoulent les autres avec Culture Club, vous avez écouté le nouveau single de Dexy’s Midnight Runner ? Iain, passe moi une pièce, j’vais au juke-box.

Trois minutes plus tard, les mêmes, debout sur la table : Coooome on Eileen – yaourt alcoolisé – At this moment you mean everything, You in that dress – yaourt alcoolisé – Oh, come oooon , Eileeeeeen.

Le patron du pub : On ferme ! Arrêtez moi ce bordel !

Les gars : Ta gueule Tony !

Il est vrai qu’à l’écoute de ce morceau, pas besoin de se forcer pour imaginer les murgeots de n’importe quel pub du royaume-uni reprendre en cœur le refrain, une pinte à la main, raide mort avant la fermeture. C’est un peu fait pour.

Après un premier album un peu bof, Kevin Rowland était à la recherche d’une nouvelle formule pour son groupe. Personne ne sait pourquoi, il s’est alors mis en tête de faire de la « soul celtique », remplaçant les cuivres par les instruments traditionnels du folklore anglo-saxon, avec violons, accordéon, piano bastringue et banjo. Le tout fringué en salopette horrible. Un truc qui a de quoi foutre la trouille.

C’est donc en 1982 qu’est sorti le deuxième album du groupe, entièrement dédié à cette formule, une sorte de version « variétés » des Pogues avant l’heure, sans  la toxicité, et la classe en moins. Après le succès moyen du premier single, la maison de disque a eu la clairvoyance de sortir « Come On  Eileen » en single. Succès mondial et plus grosse vente de single en 1982 dans les pays anglo-saxons.

Un vrai morceau de « variétés », selon la défintion de Maritie et Gilbert Carpentier, où même si la voix de Rowland est un peu agaçante, il faut bien reconnaître qu’il sait écrire des chansons, comme le montre l’album dont est extrait ce single, encore écoutable quasiment en entier 40 ans après, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de disques de ce genre sortis au début des années 80.

C’est un peu craignos sur les bords, mais les arrangements et la chanson sont bons et si vous deviez un jour vous marier, vous donneriez cher pour que Dexy’s Midnight Runner fasse l’orchestre. Rien à voir avec le baltringue qui vous passera les Blues Brothers juste après la pièce montée. Même votre mémé sera ravie.

SINGULARITÉ

Le titre : Marlene / Jackie And Edna

L’artiste : Kevin Coyne

Le format : 45T/17,5 cm.

La date de sortie : 1973

Le genre : Un type avec la tête trop grosse par rapport au reste de son corps

Qui joue dessus ?: Kevin Coyne

Comment ca sonne ? : Comme un AVC

Qualité du pressage :

Bonne.

Virgin Records – Pressage original FR

Ce qu’on en pense :

Afin de promouvoir sa nouvelle entreprise, Virgin Records, Richard Branson était à la recherche de talents singuliers, façon de se démarquer de la concurrence, attitude logique de la part d’un label indépendant. C’est donc la même année (1973) qu’il a signé Mike Oldfield et Kevin Coyne, en se disant : « c’est des originaux, on verra bien ce qui se passe ».

Il s’est donc passé : « Tubular Bells », le machin de Mike Oldfield, propulsé par le succès du film « L’exorciste » (Souvenez vous, c’est le film où une gamine possédée par le devil hurle au prêtre complètement dépassé par les évènements : « Ta mère bute des scythes en enfer ! ».) Un pensum de 4 morceaux seulement, mais d’une durée de 56 minutes. Aïe aïe aïe ! Presque entièrement instrumental, mais par contre intégralement chiant. Y’avait pas que la gamine qui était possédée par le diable…Un disque imbitable, mais une des plus grosses ventes des années 70. Branson était content, son label propulsé dans la stratosphère.

Pour Kevin Coyne par contre, il ne s’est pas passé grand chose. Même si le premier disque qu’il a produit pour Virgin est un chef d’œuvre (« Marjory Razorblade », déjà évoqué ici par un éminent collaborateur), il a du en vendre 50 000 fois moins que son copain de promo. Issu de cet album, le single « Marlene » a été publié 4 fois, avec à chaque fois des morceaux différents en face-B, mais celui qui nous intéresse c’est le pressage français, celui avec « Jackie and Edna » en face-B (même si le morceau figurant sur la face A est excellent aussi).

Kevin Coyne c’était un mec tout bizarre, une sorte de proto-Daniel Johnston. Cela s’entend des les premières mesures et surtout cela s’entend dans son chant et son jeu de guitare.

Coyne jouait de son instrument assis uniquement, en le posant à plat sur ses genoux, et chantait bizarrement, à moitié en parlant du nez, sans vraiment articuler et en roue libre. (Le meilleur exemple étant le premier titre, éponyme, de l’album « Marjory Razorblade », qui du propre aveu de Johnny Rotten a influençé sa façon de chanter pour les Sex Pistols).

Sur « Jackie and Edna », le timbre du chanteur résonne étrangement avec la tristesse du sujet (le sujet étant: mon amour d’enfance à fait des enfants avec un autre donc j’ai les grosses boules). Une sorte de plainte, répandant l’empathie et la solitude dans votre cerveau à la façon d’une goutte d’eau sur un buvard. Et ce qu’il y a de surprenant c’est que le résultat est tout sauf larmoyant, tout sauf triste, et qu’au final, cela fait même un peu peur. Comme peut faire peur la vérité. En tout cas, c’est la plus belle chanson d’amour qui soit. Sinatra et Julio Iglesias peuvent aller se faire foutre. Tranquille.

Post Scriptum :

Dans le même veine, Coyne a écrit « House on the hill », une chanson sur l’asile psychiatrique où était cloîtré son frère et dont il devait s’occuper (figurant sur l’album « Marjory Razorblade »). Si vous n’avez pas la patate, évitez de l’écouter. Le texte et la mélodie sont formidables, mais c’est un peu comme s’il y avait un prix à payer.

USONIEN

Le titre : A Little More With Reigning Sound

L’artiste : Reigning Sound

Le format : 33T/30 cm.

La date de sortie : 2021

Le genre : Musique populaire digérée

C’est qui ?: Le groupe de Greg Cartwright

Qui joue dessus ?: Greg Cartwright, Alex Greene, Greg Roberson, Jeremy Scott, Graham Winchester, Coco Hames, John Whittemore, Elen Wroten, Krista Wroten

Comment ca sonne ? : Comme le glissement des pneus sur l’asphalte, entre Phoenix et Tucson – 10 AM – Temp : 77°F

Qualité du pressage :

Moyenne (il y a des clicks).

Merge Records – Pressage original US

Ce qu’on en pense :

Reigning Sound est le groupe de Greg Cartwright. Un de ces types peu connus, mais qui pourtant sont le sel de la musique américaine. Disquaire, producteur, musicien dans plusieurs groupes, et pas des moindres (The Detroit Cobras, The Oblivians). En plus, il est né à Memphis. Un vrai pedigree de champion.

Tout comme Wilco, Giant Sand, The Sadies, ou de multiples autres formations américaines qui viennent pourtant de la scène dite « indé », Reigning Sound ne fait rien d’autre que prolonger l’héritage maintenant séculaire de la musique américaine. Sous une forme canonique, que certains qualifieront de rétrograde.

Comme s’il avait été question, ne serait-ce qu’une seule seconde, de « progresser ». Il n’y a que les anglais pour penser que le rock pouvait être « progressif » et d’ailleurs quand on y pense, les groupes rangés « prog », comme disent les disquaires, sont tous des groupes anglais qui peuvent être considérés comme les plus grandes catastrophes du genre (Marillion…au secours). Pensez vous vraiment qu’un type comme Alex Chilton avait l’intention de faire « progresser le genre » ?

Reigning Sound s’inscrit dans la même lignée. Celle qui ne fait qu’honorer la musique américaine. Toujours la même. Celle qui vient du croisement du blues et des rengaines hillbillies.

Par contre c’est un parti pris qui supporte moyennement la médiocrité. Il faut des chansons et de bons arrangements. C’est évidemment le cas de Cartwright et ses copains. Avec une aisance édifiante. Guitare, basse, batterie, pedal steel, violon, Wurlitzer, toute la panoplie de la musique américaine comme on l’aime. Une sorte de sésame qui vous met direct le pied dans l’avion, direction Kennedy Airport. Un véritable artisanat, dans le sens le plus noble du terme.

L’Amérique, la vraie, celle qui à traumatisée des centaines de gamins européens du siècle dernier et qui n’a jamais eu besoin de croire qu’elle devrait un jour être « great again ».