
Le titre : Celebrate Your Mother
L’artiste : The Eighties Matchbox B-Line Disaster
Le format : 45T/17,5 cm.
La date de sortie : 2002
Le genre : Ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois
C’est qui ?: Un groupe de sauvages
Qui joue dessus ?: Guy McKnight, Andy Huxley, Marc Norris, Symren Gharial, Tom Diamantopoulo
Comment ca sonne ? : Furieusement obscène
Qualité du pressage :
Bonne.
No Death Records – Pressage original de 2002 – Pressage EU
Ce qu’on en pense :
Au début des années 2000, il s’est passé un truc que la presse a qualifié de « retour du rock ». En fait il s’agissait de gamins ayant formé des groupes du genre « rock », de la manière la plus simple qui soit, avec l’envie d’en finir avec les cochonneries des années 90 comme la techno, le trip-hop, Björk ou Radiohead. Envie d’en finir, peut être pas, mais envie de jouer de la guitare électrique, oui.
En vrac, avec plein d’exagérations :
The White Stripes : je refais Led Zeppelin et je rajoute …euh, voyons voir, …le blues du Delta et l’esthétique du Constructivisme Russe, ça craint pas ?
The Libertines : je refais les Clash et je rajoute…euh…rien, mais par contre je promets d’être ultra défoncé et de me conduire comme un voyou comme à l’époque, ça ira ?
The Strokes : je refais Television, The Modern Lovers et les Smiths et je rajoute…euh…des Converse ? Non parce que mon père y connaît le patron de Converse et qu’on pourrait les avoir gratos et comme ça on passerait pas pour les gros bourges qu’on est.
The Black Keys : je refais les bluesmen du catalogue Fat Possum et je rajoute…un son roots un peu pourrave, sinon ça va se voir qu’on est blancs, c’est bon ? Pas sur que ça marche mais bon…
The Kills : je refais Suicide en rajoutant…euh…un jeu de guitare d’enfer et je remplace Alan Vega par une fille, ça devrait aller.
Que des groupes en « The ». Que des groupes qui « refaisaient », mais on en avait tellement marre de Gorillaz qu’on était quand même un peu content. De plus les disques étaient bons, et de toute façon la redite étant une constante de ce genre musical, on s’en foutait, pourvu que Thom Yorke foute la paix.
Digression :
Ça c’est la version couramment admise. Mais il y a pourtant un groupe qui, dans les années 90, à perpétré la forme de rock’n’roll qu’on aime, celle qui a un goût et une saveur : The Jon Spencer Blues Explosion. Comme on le dit dans les westerns, Jon Spencer « a gardé le fort », pendant que Radiohead réintroduisait une dimension « intellectuelle » dans une musique pourtant faite pour les débiles. Personne ne lui en tiendra jamais crédit, et aucun des groupes cités plus haut n’en fera mention lorsqu’ils seront sur le devant de la scène. Pas un n’arrive à la cheville du groupe new-yorkais, tout sucrés qu’ils sont, mais bon, c’est comme ça, il y en à qui trouvent que le Babybel c’est aussi bon que le Saint-Nectaire. On ne sait pas quoi leur dire…
Mais parmi ces groupes, un peu gentillets sur les bords, pas un pour « refaire » les Stooges, Sonic’s Rendez Vous Band ou le MC5. La trouille ? Peut être. Sauf un, The Eighties Matchbox B-Line Disaster, un groupe de Brighton. Des vrais sauvages, façon Attila, et qui débute sa carrière en sortant ce single en 2002, après lequel l’herbe eu effectivement un peu de mal à repousser. Un vrai groupe de l’outrance, comme Iggy Pop, comme Alan Vega. Avec l’agression sonore comme premier argument et l’énormité du propos en second.
Au vu du titre du morceau, on sent venir le truc chelou, et à l’écoute, on ne rêve pas, c’est bien l’histoire d’un type qui décrit une famille incestueuse et qui veut s’immiscer dans leurs histoires de fesses illicites. Le genre de propos qui ne passent nulle part ailleurs, sauf quand il s’agit de rock’n’roll, où provoquer la colère de dieu est un sport en soi. Comme si l’impact électrisant de la musique permettait finalement de regarder au fond de l’abîme, pour de rire, désamorçant l’ensemble sachant que tout cela n’est pas sérieux. La distanciation par le volume sonore, son impact et sa grossièreté. Ce qui permet au chanteur d’hurler « I want to fuck your mother / It’s a dirty job, but someone’s got to do it well / But please don’t tell your father / ‘Cause I’ll fuck him as well » avant de tout exploser dans vos enceintes sur la fin du morceau, toutes guitares en avant. L’enfer de Dante, 45 fois par minutes.
Imaginez les mêmes propos couiné en sourdine par un Jeff Buckley grattant un p’tit arpège sur sa Telecaster pour la forme. Tout le monde se foutrait de sa gueule. Et encore, même pas sûr, rapport au Babybel cité précédemment. Alors qu’au milieu du tonnerre électrique, expression transgressive en soi, puisque tentative consentie par l’audience d’avoir le cerveau consumé par les décibels, ça marche.
Pourvu qu’on sache s’en servir, la guitare électrique et le volume sonore permettent tout. Et de toute façon, au milieu du fracas électrique terminal provoqué par six cordes en fusion, qui écoute le texte? Le retour du rock en 2000, c’était eux, ne serait-ce que pour ce titre. Un single foudroyant, que vous pouvez ranger tranquille à coté de « Search & Destroy », « City Slang » ou « Pretty Vacant » sans faire tâche.